Trek Dargo Gyal

LADAKH – HIMALAYA INDIEN

Vallée de Kugsho - Ladakh

Dargo, enfin nous y voila, tout juste débarqués sur le bord de la piste aux côtés de nos sacs à dos empilés dans la poussière. Le chauffeur s’en était allé dare-dare, trop pressé de rentrer à Leh. Le silence était alors retombé en même temps que la poussière et Dargo s’était figé dans la lumière éblouissante de ce début d’après-midi. Nous étions au fin fond du Ladakh, dans un coin perdu qui semblait se tenir à l’écart de l’agitation de la planète. Et personne aux alentours, pas le moindre curieux pour nous accueillir.

Village de Dargo sur les bords de l'Indus - Ladakh
chörtens au dessus de Dargo -Ladakh

Dargo est un verger avant d’être un village. Des arbres, il en pousse partout, beaucoup d’abricotiers plantés jusqu’aux seuils même des maisons. Des peupliers aussi qui pointent haut dans le ciel aux dessus d’un couvert végétal si dense que le village est plongé dans la pénombre toute la journée et lorsque au hasard, une trouée dans le feuillage laisse apparaître un petit coin de montagne, on s’aveugle à la vue des mille reflets de la roche à vif. Assurément, le Ladakh est le pays des montagnes nues, du minéral, des tons fauves qui savent si bien jouer avec la lumière. Ainsi en aval de Khalatse, la vallée de l’Indus se rétrécit, les flancs plongent directement dans le fleuve, le décor est alors sans partage, que de la rocaille, ocre, brune, rougeâtre par endroit. Seules de petites bandes de végétation, à l’exemple de Dargo, s’étirent le long du fleuve. Dans ces havres de verdure baignés de soleil où l’eau abonde, se cultivent fruits et légumes que l’on retrouve sur les étals de Leh.

La mosquée de Dargo - Ladakh

Au détour d’un chemin, nous rencontrâmes finalement nos premiers villageois. Ils étaient affairés au milieu d’un grand champ couvert d’abricots en train de sécher au soleil. Le sol était jonché de fruit, des tapis d’abricots, certains étalés avec soin, d’autres amoncelés, des tapis aux couleurs orange vif ou plus nuancés ou encore franchement roussis. C’était la pleine saison, des abricots séchaient en tous lieux, sur le sol, les toits, les rochers, tout les bras étaient mobilisés pour cueillir, étaler, trier ou ensacher le fameux fruit. C’était majoritairement des femmes qui étaient attelées à ces tâches. Dans une quiétude sans fin et empreintes de fausse nonchalance, elles allaient et venaient rassemblant ceux-ci en monticule ou bien étalant ceux-là au soleil.

Séchage des abricots à Dargo - Ladakh

On s’empressa bien évidemment de nous en offrir, de nous faire goûter aux différentes variétés, des plus moelleux aux plus fermes et jusqu’au must disposé à l’écart dans un panier et que l’on nous tendit comme des perles rares. Certes tous ces fruits gorgés de soleil étaient délicieux mais ma préférence allait aux amandes d’abricot au point de m’en gaver dès que l’occasion se présentait ; des petites amandes qui demandent beaucoup de travail et d’application aux travailleuses pour les extraire du noyau.
Une fois repus d’abricots, les poches pleines, nous suivîmes un vieil homme à la mine réjouie qui nous conduisit à travers les vergers près d’un conduit d’eau descendant de la montagne où nous pûmes planter nos tentes.

Le lendemain, nous remontâmes la vallée de Kugsho qui s’élève vers le sud jusqu’au village du même nom à une dizaine de kilomètre de Dargo. Un verrou creusé d’un profond canyon défend la vallée. La piste qui relie les deux bourgs, dessine de nombreux zigzags dans la pente avant de surmonter l’obstacle. Le vieux chemin est plus direct, il s’élève sans détour non loin du canyon, soutenu, par endroit, par des murets de pierre.
Une bande de végétation court le long de la rivière, fragile à certains endroits où seuls quelques saules épars assurent la continuité. A d’autres, le verdoyant prends le dessus, s’élargit, gagne sur la pente aménagée en terrasse. Trois, quatre maisons s’inscrivent dans le décor, ce sont les hameaux de Chachatapsa et plus loin celui de Pandas.

A son extrémité, là où la vallée forme une grande cuvette, se tient le village de Kugsho,. C’est un gros bourg où règne une certaine animation. Les maisons sont cossues et regroupées sur la pente en bordure des champs. Ici, il y a peu d’abricotier, mais des champs d’orge comme du reste dans tous les villages du Ladakh même les plus élevés (l’orge constituant l’aliment de base). Toutefois la spécialité du village semble être « l’herbe à cheval », un fourrage que l’on cultive en bordure de la piste et sur le moindre carré de terre.

Village de Kugsho - Ladakh

Nous nous installâmes devant une grande maison, sur la propriété d’une famille musulmane ravie de nous accueillir. Il faut dire que la présence de touristes dans la vallée est inhabituelle et que, de plus, l’hospitalité n’est pas dans ce pays un vain mot.
A Kugsho comme du reste à Dargo et comme dans tous les villages que nous devions par la suite traversés vivent ensemble des familles de confessions bouddhistes et musulmanes. Le parcours de notre trek suivait la limite d’influence de ces deux grandes religions d’Asie centrale. Lorsque nous prenions de la hauteur nous apercevions à l’ouest, les montagnes toutes proches du Cachemire musulman sous occupation pakistanaise et tournant la tête à l’est, la profonde entaille des gorges de Yururong à l’entrée desquelles est bâti Lamayuru, le plus vieux monastère bouddhiste du Ladakh (fondé au XIème siècle). Ces deux communautés se partagent ces terres depuis des siècles, bien souvent le chorten jouxte la mosquée, près du gompa reposent des tombes musulmanes et drapeaux à prières et banderoles coraniques flottent au même vent. Dans cette région qui depuis plus de soixante-dix ans est une véritable poudrière avec une concentration de troupe armée considérable, où il n’y a pas de frontière mais une fragile ligne de cessez-le-feu qui sépare deux superpuissances nucléarisées et où les décisions politiques du président indien Narendra Modi ne font qu’exacerber les tensions, ces sages habitants des hautes montagnes s’efforcent envers et contre tout de perpétuer les traditions hautement humanistes d’un Cachemire légendaire que jadis on qualifiait de paradis sur terre.

Village de Kugsho, à gauche le chörten bouddhiste, à droite la mosquée - Ladakh

En fin d’après-midi, Kugsho s’anima. L’école finie, les gamins occupèrent la rue. Des fillettes en Hidjab étaient de corvée d’eau, qui folâtraient autour du robinet. Plus loin des garçons tapaient dans un ballon. Des femmes bouddhistes coiffées d’un bonnet de laine, de grosses perles colorées autour du cou et, sur le dos, le traditionnel tsepo (panier carré en rameaux de saule), rentraient des champs. Elles actionnaient en passant le moulin à prière et le son cristallin de la petite cloche marquait ainsi l’arrivée des travailleuses.

Village de Kugsho, La bannière coranique et à l'arrière plan le gompa bouddhiste - Ladakh

Notre prochaine étape devait nous conduire à Chopotsok, un petit hameau d’altitude occupé uniquement à la belle saison. Finie la piste, nous suivions maintenant l’antique chemin qui s’élève en balcon au dessus du village. Nous dominions la vallée et sous le grand soleil, la vue était extraordinaire. Les montagnes des alentours formaient un entrelacement de plis et de replis et des traînées d’oxyde sur la roche soulignaient la délicatesse de leurs tracés. Des montagnes radieuses, irréelles, tigrées comme le poil d’un fauve et tout au fond quelques touches de verdure. J’aurais aisément passé la journée perché sur un rocher à contempler ce magnifique décor qui s’adressait autant à l’esprit qu’au regard mais la route qui nous attendait, était encore longue et inconnue.

Vallée de Kugsho - Ladakh

En haut de la montagne, nous franchîmes un col et basculâmes dans un univers plus désertique encore. On devinait bien dans le lointain quelques traces de végétation mais alors à perpète. Nous suivîmes tout d’abord un sentier bien tracé, bordé par les pierres sorties du passage mais bien vite ce confortable boulevard se perdit dans les rocailles et la poussière et nous dûmes nous frayer un chemin à vue.

Après de nombreux contournements, des montées et des descentes, nous atteignîmes dans l’après-midi le premier hameau, celui de Ribilik. Il n’y avait âme qui vive, seul un petit troupeau de yacks couchés dans la poussière ruminaient Dieu sait quoi. Quelques peupliers ici et là, quelques saules près de la source d’où coulait un frêle filet et deux ou trois abricotiers dont les fruits pourrissaient au sol, donnaient au lieu les apparences d’une oasis dans le désert. De petites cabanes en terre étaient regroupées à l’ombre des arbres. Bon nombre étaient en ruine. D’autres avaient la porte close, condamnée par un cadenas. Des drapeaux à prière aux couleurs vives flottaient sur leur toit. Elles paraissaient être utilisées mais étaient plus rafistolées qu’entretenues. Tout cela nous donna le triste sentiment d’assister à la fin d’un monde. Que sera Ribilik dans quelques années ? Sûrement un tas de ruine…

Hameau d'altitude de Ribilik - Ladakh
Hameau de Ribilik - Ladakh
Hameau de Ribilik - Ladakh

Poursuivant notre chemin, nous atteignîmes, après avoir gravi un petit contrefort, les gorges de Nyinaum. Elles creusent un long sillon des hautes cimes qui se dressent au sud jusqu’à la vallée de l’Indus. Chopotsok occupe un petit replat sur la rive opposée.
Ce hameau était plus verdoyant. L’eau courait dans les rigoles le long des champs en terrasse. On y cultivait l’orge et à l’abri d’une palissade, poussaient de beaux légumes. Deux ou trois vaches craintives se disputaient le peu de verdure qui poussaient le long des ruisseaux. Il n’y avait plus qu’une seule personne pour s’occuper de Chopotsok. C’était un petit homme sec et leste, à la fois surpris et intimidé par notre présence mais trop curieux toutefois pour s’éloigner de nous et de notre barda que nous avions étalé près de sa cabane. Nous passâmes la nuit à Chopotsok, une nuit douce et étoilée, hors du temps.

Hameau de Chopotsok - Ladakh
Hameau de Chopotsok - Ladakh
Hameau de Chopotsok - Ladakh
Hameau de Chopotsok - Ladakh

Pour rejoindre le village de Patsari, il faut remonter les gorges de Nyinaum. Un bon chemin, fréquenté par les villageois, suit le fond de la gorge. Bien en amont, un alignement de Chorten marque la fin des parois verticales et l’entrée du hameau de Pas Nia. Nous y rencontrâmes un couple souriant et alerte malgré la lourde charge de fagots qu’ils transportaient sur le dos. Nous gravîmes ensemble le petit col qui donne accès au village.

Gorges de Nyinaum - Ladakh
Hameau de Pas Nia - Ladakh

Patsari est situé au fond d’une cuvette savamment aménagée en terrasse. Une centaine de personne vivent là dans la solitude des montagnes, isolées de tout surtout en hiver. Pour le coup les habitants sont exclusivement bouddhistes et il y a, parmi des roches rouges, un petit gompa peint, pour le plus bel effet, d’un blanc éclatant. Patsari n’a pas d’école et pas d’enfants non plus. Aussi le village semble démuni et bien triste. Les plus jeunes sont dans les écoles des basses vallées et retrouvent leurs parents pour les vacances, les plus âgés poursuivent leurs études à Leh ou à Jammu. De toute façon, c’en est fini pour eux de la vie traditionnelle dans les montagnes, irrémédiablement leur avenir est ailleurs pour le meilleur ou le pire.
Nous passâmes une journée entière à Patsari, un lieu de villégiature calme et reposant, s’il en est. Nous vadrouillâmes aux alentours, croisant sur les chemins des femmes croulant sous leur charge de fourrage, une herbe rêche et grossière qu’elles descendaient de très haut dans la montagne. Juste au dessus du village, des panneaux solaires brillaient au soleil. Ils éveillèrent ma curiosité d’autant qu’il n’y avait pas l’électricité dans le village. Bien qu’effectivement tous les constituants high-tech nécessaires au bon fonctionnement d’une centrale solaire étaient assemblés et dûment raccordés, rien ne fonctionnait cependant, tout était hors d’usage. Certains panneaux n’avaient pas résisté aux salves de pierres qui immanquablement se détachaient de la montagne. Dans le local technique, le froid intense de l’hiver avait détruit des batteries. Elles étaient éventrées dans leur bac de rétention où un liquide noirâtre stagnait. Seul, sur une armoire, un voyant lumineux s’obstinait à vouloir rester allumé comme pour rappeler que dans le passé la centrale avait fonctionné mais que mal adapté, sans entretien, bien vite la rudesse du lieu avait eu raison de la haute technologie.
A la pose du soir, des villageois se rassemblèrent sur un terre- plein au milieu des maisons. Ils nous hélèrent pour nous faire partager avec eux ce moment de détente. Les échanges furent plus mimés que dialogués mais, à leur mine réjouie, on devinait qu’ils étaient ravis de notre visite, une visite qui les sortait de la routine d’un implacable quotidien. Bien évidemment nous eûmes droit au traditionnel chang (la bière locale à base d’orge fermentée). Puis en se séparant, ils nous offrirent un peu de leurs légumes dont de délicieux petit pois.

Village de Patsari - Ladakh
Le gompa de Patsari - Ladakh
Village de Patsari - Ladakh

Nous devions franchir maintenant le Karbang la, un col, situé 1000 mètres plus haut, qui n’était plus fréquenté depuis longtemps. Nous repassâmes ainsi par Pas Nia et continuâmes à nous élever dans la vallée de Nyinaum. Bientôt, il n’y eu plus de chemin mais l’itinéraire restait évident en suivant le fond excavé de la combe. Plus loin, nous atteignîmes les vestiges d’un imposant monastère. Malgré certaines bâtisses encore debout, le lieu n’était plus qu’un vaste champ de ruine où les pierres des constructions, roulant inexorablement dans la pente, retrouvaient peu à peu leur place initiale dans les éboulis. Le terrain des alentours était sec et aride, pas le moindre filet d’eau en vue. Peut-être est-ce contraints et forcés par cette implacable sécheresse que les pensionnaires finirent par quitter les lieux. Plus haut dans la pente, nous passâmes près d’une petite cabane caractéristique qui avait dû servir d’abri aux moines lors de leurs retraites spirituelles.

Ruine d'un monastère  bouddhiste dans la haute vallée de Hyinaum
Cabane au dessus des ruines du monastère

Le col de Karbang La est une large et vaste croupe qui bascule doucement vers un horizon nouveau et grandiose lorsqu’apparaissent au loin les cimes enneigées du massif du Kun (7077 m) et du Nun (7135 m) et tout en bas la grande vallée de Sengge Lungma. En contrebas, nous apercevions, perdu dans ce monde résolument minéral, un réjouissant carré de verdure à l’endroit où se situait le village de Taktse Broyk. Qu’il fut agréable après avoir passé l’après-midi à dévaler des éboulis et des escarpements, à contourner des obstacles, à choisir le chemin le plus évident ou le moins pire, de se vautrer enfin de tout son long dans une herbe tendre et fraîche. Nous pûmes, ce soir là, planter les tentes loin de la poussière, sur un confortable matelas de pelouse. Ici, sur le plateau de Taktse Broyk , il y a peu de culture, quelques champ d’orge tout au plus, l’activité agricole est essentiellement tournée vers l’élevage, on y croise des yacks, des chèvres, des moutons mais surtout quantité d’ânes. Ces animaux sont ensuite vendus comme bêtes de bât.

Col du Karbang la. au loin les glaciers du massif du Kun et du Nun.
Descente du col du Kartang.
Hameau de Taktse Broyk - Ladakh
Tombes musulmanes à Taktse Broyk - Ladakh
Taktse Broyk - Ladakh

Le lendemain, nous étions à Bodkharbu, un gros bourg qui s’étale sur deux ou trois kilomètres le long du grand axe routier entre Kargil et Leh. Tout l’approvisionnement du Ladakh passe par cette vallée de Sengge Lungma. C’est un défilé permanent de camions Tata bariolés, fumant et pétaradant et de convois militaires roulant au pas et s’étirant sur des kilomètres. Un lieu à fuir au plus vite qui offre cependant la possibilité de se ravitailler dans les échoppes du bord de route. Un avantage non négligeable pour nous qui n’avions plus rien à se mettre sous la dent.

vallée de Sengge Lungma - Ladakh
village de Bodkharbu - Ladakh

Fort heureusement, dès que l’on s’avance dans la vallée de Pho, l’ambiance et le décor changent de façon radicale. Un vrai enchantement cette vallée. Elle me rappela aussitôt les vallées des contes de mon enfance. Large, fertile, tournée vers le sud, de fières maisons dispersées dans la nature et puis partout dans les champs d’orge, hommes, femmes et enfants, occupés à mettre en gerbe, qui nous faisaient de grands signes de bienvenue et chacun d’y aller de son  » Where do you come from ? « . Des ânes dont on ne pouvait apercevoir que l’extrémité de leurs fines pattes tant ils étaient chargés, transportaient les meulons d’orge plus avant dans la vallée. Quel étonnant spectacle, on aurait cru que ces monceaux de paille, étincelant comme des paillettes d’or, se déplaçaient en lévitation sur les chemins. On entendit le bruit d’un moteur puis on vit un nuage de poussière, pas de doute, nous approchions de l’aire de dépiquage. Un groupe de paysan s’agitait là autour d’un tracteur, désuet mais rutilant, qui mouvait une batteuse. L’ensemble était manifestement flambant neuf et les personnes semblaient ravies de l’acquisition de cette machine qui représentait pour eux un réel progrès mais qui, sous nos cieux, ne pourrait qu’être reléguée dans un musée.
Quelques kilomètres en amont, la vallée vient butter sur une grande muraille hérissée d’aiguille. On passe ainsi sans transition d’un paysage bucolique, tout en rondeur, à l’austérité de la haute montagne. Nous restâmes sur les pelouses pour le bivouac du soir, à distance des parois car notre itinéraire bifurquait sur la droite en les évitant.

Vallée de Pho -Ladakh
Vallée de pho -Ladakh

Un dernier col nous attendait, le Sarbatan la, moins haut celui là, plus connu aussi. Il se passe sans difficulté, la pente est régulière et peu soutenue. Nous nous attardâmes au sommet. C’est un splendide belvédère surtout vers l’ouest où s’étend la vallée de Wakha bordée de falaises et dominée par de vastes plateaux désertiques. Plus loin, les montagnes interdites du Cachemire sous occupation pakistanaise prêtent à rêver ainsi plongées dans le mystère et la solitude. En se tournant vers l’est, on pouvait suivre des yeux une partie du trajet parcouru et découvrir tout un horizon de crêtes sombres et dentelées derrière la grande muraille de Pho.

La vallée de Wakha, vue du col de Sarbatan - Ladakh

Nous nous arrêtâmes pour le bivouac au pied du col, au hameau abandonné de Namtse. Ici peut-être plus qu’ailleurs, on peut voir les effets désastreux du dérèglement climatique. Le manque de pluie régulière assèche une bonne partie de l’année le ruisseau. Et quand arrive enfin l’eau du ciel, c’est un déchaînement qui emporte tout sur son passage. Ainsi les terrasses sont de plus en plus ravinées, traversées de profondes tranchées, les saules sont emportés ou à demi ensevelis sous les décombres descendus de la montagne. De rares bergers y conduisent encore leur troupeau durant la brève période de l’année où les bêtes trouvent quelques touffes à brouter.

Hameau de Namtse - Ladakh
Hameau de Namtse - Ladakh
Vallée de wakha - Ladakh

Notre périple se termina tout en beauté à Gyal, à l’entrée de la vallée de Wakha. C’est un magnifique village bâti au pied de falaises de conglomérat percées de milliers de trous où nichent une multitude d’oiseaux. Ce que l’on admire en premier et de fort loin, c’est son petit gompa haut perché que l’on croirait serti comme un diamant dans la roche. Au dessous, des ruelles étroites, éclatantes de blancheur et bordées de longues façades aux jolies fenêtres ouvragées donnent au lieu un petit air méditerranéen. On déambule avec plaisir dans ce dédale de passages biscornus où plane une chaude odeur de foin. Plus on descend vers les prairies, plus les maisons sont cossues et imposantes. Elles se disséminent au milieu des saules, cernées de hauts rideaux de peuplier qui se carrent dans le ciel, majestueux, comme des totems. C’est de ces prairies que la vue sur le village est la plus superbe. Le petit gompa domine tout en haut comme une vigie veillant sur un précaire éden de verdure alors que les chatoyantes demeures, les bêtes paissant dans les près, tout est résolument calme et apaisé, indifférent à la stérilité minérale qui les assiège.

Arrivée à Gyal - Ladakh
Village de Gyal - Ladakh
Dans la falaise, le gompa de gyal - Ladakh

A la sortie du village, c’est la petite mosquée qui retient l’attention. Un édifice bien modeste avec sa coupole et son toit en tôle ondulée. Malgré son indigence, les arcades de la façade sont finement ornées. En s’avançant de quelques pas, on découvre un peu en contre bas, une deuxième mosquée, plus petite, plus modeste encore, plus ancienne aussi. De là, on peut alors apercevoir à l’arrière plan le Wakha Dakbu, un grand pilier rocheux dressé au bord du fleuve, que décrivirent déjà les premiers voyageurs et qui abrite à ses pieds un monastère bouddhiste.

Mosquée de Gyal -Ladakh
Le Wakha Dakbu, à ses pieds le monastère bouddhiste - Ladakh